22.1.13

"Tachiguishi Retsuden" de Mamoru Oshii, 2006


Parler de cet objet cinématographique est presque une gageure. Tachiguishi Retsuden est un film d'animation, mais ne ressemble pas aux anime dont nous avons l'habitude.  
A la base de l'animation nous trouvons des photos retravaillées, mais rien à voir, par exemple, avec A Scanner Darkly de Richard Linklater, qui a tourné son histoire comme un film traditionnel qu'il a ensuite redessiné image par image. De ses centaines de clichés, Oshii a fait une sorte de collage auquel il a ajouté des effets propres à l'animation. C'est une technique et un style que l'on rencontre surtout dans des courts-métrages d'avant-garde ou des clips musicaux.
L'histoire se présente sous la forme d'un documentaire socio-historique intitulé "Vie des honorables écumeurs de gargotes", et qui retrace, analyse et théorise, la vie, les procédés et la philosophie, de resquilleurs mythiques. On y entend une voix off, très sérieuse et concentrée, examiner le phénomène en s'appuyant sur des ouvrages spécialisés. Pris au premier degré, cela ressemble a n'importe quel reportage un peu intello sur un phénomène social, pris au second degré, c'est une parodie fantaisiste parsemée de faits réels et mêlée d'anecdotes farfelues et de détails assez drôles, tel cet essai qui s'intitule Généalogie des lignes discontinues. L'ensemble paraît sérieux sans l'être vraiment, tout en l'étant quand même un peu d'une certaine manière.
Le film est inclassable, mais très abouti et plutôt génial dans son genre. Pourtant j'ai rencontré beaucoup de critiques négatives. J'imagine qu'elles émanent des fans d'anime, car ceux qui avaient aimé les anime précédent d'Oshii, comme Ghost in the Shell, et qui espéraient un film du même genre, ont dû être très déçus, déroutés, d'où, probablement, ce jugement négatif. Moi, qui ai vu en Ghost in the Shell un superbe anime, mais qui ne suis pas vraiment fan du genre, j'ai préféré Tachiguishi, parce qu'au point de vue du concept,  je le trouve un cran au-dessus. Ghost in the Shell vaut par ses images somptueuses, surtout le second volet, mais il s'agit d'une histoire de science fiction classique.
Le genre de public que Tachiguishi Retsuden peut séduire est celui qui cherche la culture plus que de la distraction pure, qui a apprécié le manga de Jirô Taniguchi Le Gourmet solitaire, car il y a une sorte de parenté intellectuelle dans cette approche esthétique et philosophique de la nourriture. Il est plutôt destiné à un public qui aime les oeuvres innovantes, différentes, avant-gardistes, l'animation en général(*), les expérimentations esthétiques et narratives, et qui, bien sûr, est attiré par la culture japonaise.
Il peut intéresser beaucoup de monde ce film, mais pas forcément les fans de manga et d'anime, et son drame c'est peut-être que son existence soit surtout connue dans ces milieux-là.
(*) - Parlant de films d'animation, j'en ai vu un récemment, de 2007, et qui m'a vraiment impressionnée par ses prouesses techniques et ses effets : Madame Tutli-Putli de Chris Lavis et Maciek Szczerboski. C'est de l'animation de marionnettes, mais vraiment fabuleuse.

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